Denis

DENIS

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Je suis âgé de 18 ans.
Je viens de Bengwi.
A Bamenda, les choses vont mal. J’ai perdu mon père, il est mort. Nous sommes six dans ma famille. Ma mère est seule dans le village et nous avons tous du mal à nous en sortir. Mes sœurs et les deux plus jeunes sont avec d'autres personnes de la famille qui les ont adoptés. Bien que les choses soient difficiles, nous avons fait de notre mieux.
Là où nous vivions, la pluie tombait sur nos lits au point que nous ne pouvions pas dormir parce que nous devions mettre des seaux sur les lits pour éviter que la pluie ne mouille le matelas.
Depuis que notre père est mort, ma mère est restée seule avec nous. Nous avions l'habitude de manger de la nourriture sans viande ni poisson parce que nous ne pouvions pas subvenir à nos besoins jusqu'à ce que j'atteigne l'âge où je pouvais travailler et aider à la subsistance du foyer. Cela a donné du courage à ma mère pour travailler dur et nous envoyer à l'école.
Pour la crise actuelle dans la région du Nord-Ouest, c'était vraiment difficile à cause de la guerre entre les militaires et les "Amba boys" (nom donné aux indépendantistes/ndlr). Vous ne pouviez pas être en paix à la maison. Quand vous dormiez, ils (les "amba boys") venaient frapper à votre porte et vous demandaient de sortir parce que les militaires allaient bientôt attaquer. Nous nous enfuyons et nous nous réfugions dans la brousse pour dormir. C'est ainsi que les choses sont devenues de plus en plus difficiles. Même quand je suis ici à Yaoundé, les choses sont difficiles, mais nous nous débrouillons. Les difficultés, je supporte parce que maintenant je peux aller à l'école. C'est maintenant que nous pouvons dire que nous allons mieux.
J'aime prier. Les démons m'attaquent la nuit parce que je prie. Mes sœurs n'ont pas ce problème parce qu'elles ne prient pas. Si je me réveille, disons à 2 heures du matin, le vent souffle dans ma chambre et je commence à entendre des petites voix qui rient au loin et je n'arrive pas à bien dormir. Alors je réveille ma mère pour lui dire que je ne peux pas dormir parce que je suis perturbé.
Nous souffrons depuis longtemps. Mon oncle, après la mort de mon père, est venu avec toute sa famille et il a vendu les terres de mon père. J’ai réfléchi à comment m’y prendre pour les reprendre quand je serai grand. Je serai un BIR (Corps d’élite de l’armée camerounaise/ndlr) pour retourner et prendre les terres de mon père. Je ne veux pas me venger ou faire du mal à qui que ce soit mais je veux juste aller en paix et reprendre ce qui nous appartient. Souvent ma mère se dispute avec mon oncle parce que nous sommes voisins. Ma mère ne possédait que 1000 francs CFA (< 2€) à la mort de mon père.
J'ai prié pour que cette crise prenne fin afin que les choses reviennent à la normale. Quand tu pars avec quelqu'un d'autre, tu es obligé de faire tout ce qu'il veut parce que tu ne peux pas retourner chez toi. Même s'il te tourmente, tu ne peux pas réagir.
Je suis allé dans mon village récemment pour des vacances et les choses s'améliorent petit à petit. Dans notre village, nous vivons au quotidien avec les "Amba boys" comme nous vivons avec vous ici à Yaoundé. Ils s'assoient et discutent avec des armes sur leur dos et à tout moment ils peuvent vous faire du mal. Ils ne plaisantent avec personne et ils peuvent tuer à tout moment sans aucun regret.
Je souhaite avoir un niveau d’étude qui me permette de réussir à un concours officiel afin de trouver du travail. Je veux avoir un bel avenir et aider ceux qui en ont besoin. Je souffre, mais je ne veux pas que les autres aient pitié de moi. Je crois en Dieu. Je dis à ceux qui sont dans la même situation que moi de ne pas pleurer mais de regarder leur avenir. Le présent est la seule chose importante.
Laissez Dieu vous montrer le chemin.