SONALINE

Crise du NOSO, Cameroun

SANDRINE

Crise du NOSO, Cameroun

EVELINE

Crise du NOSO, Cameroun

EUNICE

Crise du NOSO, Cameroun

TATIANA

Ça fait environ quatre ans que je vis ici avec mon oncle. Je suis venu quand j'étais en troisième année au collège. J'ai quitté le village à cause de la guerre. Avant la guerre, nous vivions dans le bonheur. Un matin, nous avons vu les militaires passer en direction d'un village nommé Bahouro non loin du Nigeria. Ils avaient entendu dire qu'un garçon avait été tué là-bas. En passant, des enfants leur lançaient des pierres. Le lendemain, ma tante a préparé la nourriture pour aller vendre dans son restaurant. Alors qu'elle achalandait son commerce, nous avons entendu des coups de feu et nous avons couru nous cacher dans l'église. Mon grand-père n’a pas pu nous suivre à cause de son âge avancé. Ma grand-mère a pris des affaires et nous avons couru à l'église. Nous avons laissé notre grand-père derrière nous. Nous avons prié toute la soirée en vain. La situation a empiré. Je suis rentrée à la maison car je ne pouvais pas abandonner mon grand-père. Le laisser seul sans aide. On ignorait où se trouvait mon père cette nuit-là. On n’avait pas de nouvelles de lui, il n'était pas joignable par téléphone. Mes grands-parents ont décidé que je devais partir à Yaoundé vivre chez mon oncle. Avant de partir, mon oncle paternel est venu me voir et m'a demandée de me consacrer à mes études dès que je serai à Yaoundé. Le lendemain, j'ai entendu mon grand-père au téléphone dire que cet oncle paternel est mort. Il a été abattu devant sa maison. Pendant trois jours, mes grands-parents sont restés à la maison et n'ont pas pu sortir à cause des coups de feu. La seule façon pour eux de s'échapper était de se cacher dans la brousse. Pendant qu'ils étaient dans la brousse, ils ont entendu des bruits de pas. C’était ceux de huit garçons et d’une femme enceinte de huit mois qui fuyaient pour se cacher. Quatre des garçons et la femme enceinte ont été tués plus tard. La guerre faisant beaucoup de victimes, nous sommes allés à Yaoundé. A cause de la crise le coût de la vie était très élevé ; à tel point que lorsque nous avons réservé le véhicule, le prix du billet coutait deux fois plus cher. De Lawi à Bamenda, le prix du billet de bus est d'environ 6 000 francs CFA (10 €). Pendant la saison sèche il est d'environ 3 000 francs CFA (5€), mais nous avons dû payer 15 000 francs CFA (≈ 23€) par billet. Mon grand-père cherchait juste un moyen de me sauver. Je pleurais en pensant à ma grand-mère parce qu'elle est une personne que j'aime beaucoup. Je pleurais parce que je me demandais comment ils allaient s'en sortir sans moi et où ils allaient aller. J'ai été tellement traumatisée par ce que j’ai vécu au village que j’ai oublié mes bagages dans la voiture lorsque nous sommes arrivés à Bamenda. Avant la guerre, j’étais heureuse auprès de mes grands-parents. Ce n’est pas le cas Ici à Yaoundé. J’ai peur tout le temps. Je n’ai pas d’argent, même pas de quoi acheter un vélo pour me rendre à l’école. Parfois des amis me viennent en aide quand je suis malade. Parfois, j'ai envie de me suicider, mais je me souviens de ma mère me disant que je suis son seul espoir. Elle dit que je dois prouver aux gens que je ne suis pas une erreur car elle a divorcé avec mon père avant même de me donner naissance. Selon les traditions de mon père, il n’est pas autorisé à épouser une fille d'une autre ethnie. Ma mère m'encourage toujours alors que mon père ne s'occupe plus de moi. Depuis quatre ans, début de la crise, je ne sais même pas s'il est encore en vie ou non. Depuis l'école primaire, j'aime lire et j'aimerais devenir une autrice pour éduquer les autres sur la vie en me basant sur mon histoire. J'aimerais rencontrer quelqu'un qui puisse m'aider à développer mon talent. J'aimerais que les gens sachent que même si un enfant n'est pas avec ses parents, ils ne doivent pas le maltraiter. Je n'ai pas d'ami francophone. Nous sommes tous Camerounais, nous ne sommes pas différents, ce n'est pas nous qui avons provoqué la guerre.

SYLVIA

Crise du NOSO, Cameroun

STEPHEN

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SIMON

Crise du NOSO, Cameroun

SERANGE

Bonjour !
La fille de mon oncle qui a été impliquée dans cette guerre s'appelle Hope. Elle vivait à Eclewundé avec sa famille quand la guerre a commencé.
Ce jour-là, elle était à la ferme avec ses parents pour travailler. A leur retour de la ferme des hommes armés étaient partout. Ils avaient encerclé le village. Les habitants étaient en panique, ils ne comprenaient pas ce qui se passait. Hope et ses parents ont fait le choix de fuir et de retourner aux champs, leur ferme. Ils y sont restés pendant des jours, craignant pour leur vie. Quand ils sont revenus au village, c’est le cœur meurtri qu’ils ont retrouvé leur maison. Elle était à moitié incendiée, pillée. Ils ont fui le village et cette fois-ci se sont cachés en brousse. Elle a vécu longtemps en brousse. Elle a fait deux ans sans aller à l’école car elle a été aussi incendiée. A force de vivre dans cette brousse et d’être le témoin d’atrocités causées par la guerre, Hope a perdu la raison.
Ses parents m’ont appelée pour me demander si je pouvais prendre ma nièce chez-moi à Yaoundé afin qu’elle retourne à l’école. Pour qu’elle retrouve un environnement moins violent. Je l’ai prise avec moi ici. Je l’ai inscrite avec beaucoup de difficultés dans une école de la place car elle n’avait aucun document (pas de bulletins de note, pas de papier d’identité) suite aux incendies de son école et de leur maison.
Cette crise a fait beaucoup de ravages dans ma famille. Aujourd'hui, ma tante n'a plus qu'une main, elle vit à Mutenguene. Des hommes armés étaient venus chercher son fils ; elle s’est interposée et ils ont tiré sur sa main. À cause de cela, je n'ai plus envie de rentrer dans mon village.
Jusqu'aujourd'hui, ses parents, mon oncle et sa femme, sont à Eclewundé. Ils vivent la guerre et ses affres au quotidien. Ils vivent entre leur maison et la forêt où ils se cachent lors des combats entre les belligérants.
Cette crise a profondément déstabilisé ma famille et moi. Ils ne sont pas heureux car ils n'ont plus de biens. Ils n'ont pas la paix. C’est triste. En quittant votre propre terre, votre propre maison, vous n'avez ni paix ni confort.
Les francophones ont de mauvaises intentions à notre égard. Quand ils entendent que vous êtes un anglophone, ils vous traitent comme un étranger. Je veux qu'ils comprennent que nous sommes tous des Camerounais. Ils doivent savoir que nous devons être unis malgré cette guerre.

MERCY

Crise du NOSO, Cameroun